La dérobée


Sur une barque à cœur ouvert
nous énonçons la houle
inconsciement, comme on raconte
un visage lu au creux des doigts.

Dans mon ventre une litanie
s'installe sans pudeur. Un besoin sourd
de chute, du retour promis,
de la prochaine vague.

J'ai plissé les yeux,
pêtri les siècles
de silence.




Je n'ai pas vu venir le rivage.

La côte m'est étrangère
et je ne sais en raconter
ni les visages comme de très vieux oiseaux
ni les fenêtres mornes. Les couloirs,
les escaliers sonores où je te cherche
ne m'enseignent que leur poussière.

Alors un boisseau de chardons
à la gorge, je m'en vais retrouver
la mer au fond du coffre
ou tu l'as enfermée.


Suzanne Aigrain, 2004