Bagdad Café


Je m'arrête à mi-pente. Le soleil
qui fait fondre la rosée sur les herbes
la fait naître au creux de mes bras, à la racine
de mes cheveux.
...............................On pourrait croire
que j'admire le nuage
qui pétale à pétale s'effeuille du cerisier,
le miroîtement tardif de la neige,
les ronronnements mêlés
de la ville qui s'éveille
et de la montagne qui l'a veillée.

On se tromperait: j'ai honte.
Je la retrouve bien là,
ma honte, elle n'a aucun scrupule
elle me fiche des coups comme ça
à sept heures du matin,
elle n'attend même pas
que le soleil attrape au vol les chataigners.

Ne vous inquiétez pas, dans dix secondes
je la rangerai, ma honte
dans un tiroir bien commode
et je reprendrai mon chemin.

Dans la cuisine je laisse mes yeux
s'habituer a la fraîcheur obscure,
je fais du café, j'allume la radio, j'écoute distraite
les nouvelles, et vlan! Ça n'a pas manqué.
Alors comme tout le monde
je la ressors, ma honte juste pour dix secondes
le temps d'bouillir à souhait,
n'empêche. C'est pas ma pomme
qui va les arrêter.

Le café est vraiment trop amer
il faudra que je change de marque.


Suzanne Aigrain, 2004